{"id":2730,"date":"2018-08-23T20:04:21","date_gmt":"2018-08-23T19:04:21","guid":{"rendered":"http:\/\/eidos64.fr\/?page_id=2730"},"modified":"2019-01-09T22:06:55","modified_gmt":"2019-01-09T21:06:55","slug":"eidos-2019","status":"publish","type":"page","link":"https:\/\/eidos64.fr\/eidos-2019\/","title":{"rendered":"Eidos 2019"},"content":{"rendered":"
Pour sa onzi\u00e8me \u00e9dition, Eidos64 reste fid\u00e8le \u00e0 sa vocation de temps d\u2019\u00e9change et de partage sur les pratiques num\u00e9riques en \u00e9ducation. Organis\u00e9e par le D\u00e9partement des Pyr\u00e9n\u00e9es-Atlantiques, en partenariat avec l\u2019\u00c9ducation nationale, cette journ\u00e9e est destin\u00e9e \u00e0 tous les acteurs de l\u2019\u00e9ducation (enseignants de la maternelle au sup\u00e9rieur, chefs d\u2019\u00e9tablissements, chercheurs, collectivit\u00e9s, parents d’\u00e9l\u00e8ves\u2026).<\/p>\n
Le lien entre jeu et apprentissage ne va pas de soi ; qu’on songe par exemple \u00e0 tous ces \u00e9l\u00e8ves \u00e0 qui on reproche de \u00ab\u00a0s’amuser en classe\u00a0\u00bb… Pourtant, l’adjectif ludique<\/em> est toujours m\u00e9lioratif quand il est question d’apprentissage et les enseignants sont souvent invit\u00e9s de nos jours \u00e0 proposer une approche plus ludique \u00e0 leurs \u00e9l\u00e8ves.<\/p>\n Le jeu est largement utilis\u00e9 pour les plus jeunes enfants, c’est ainsi, par l’imitation, par le plaisir de la manipulation qu’ils peuvent faire les premiers apprentissages dans tous les domaines. Si on y recourt de moins en moins au fur et \u00e0 mesure que les \u00e9l\u00e8ves grandissent, il n’en reste pas moins un moyen puissant pour int\u00e9resser les jeunes et les sensibiliser \u00e0 des questions auxquelles ils n’auraient pas naturellement pr\u00eat\u00e9 attention, un moyen de \u00ab\u00a0faire passer la pilule\u00a0\u00bb en les faisant travailler sans qu’ils s’en rendent compte sur des sujets ardus. Comment alors ne pas penser \u00e0 Lucr\u00e8ce, qui compare, au livre IV du De natura rerum<\/em>, sa po\u00e9sie \u00e0 du miel utilis\u00e9 pour faire\u00a0prendre un rem\u00e8de amer \u00e0 un enfant ?<\/p>\n \u00ab\u00a0Quand les m\u00e9decins veulent donner de la r\u00e9pugnante absinthe aux enfants, ils commencent par enduire les bords de la coupe d’un miel doux et blond, pour que leur \u00e2ge impr\u00e9voyant soit tromp\u00e9 [qui traduit le verbe \u00ab\u00a0ludificetur\u00a0\u00bb], jusqu’aux l\u00e8vres, et boive en entier, entre-temps, le liquide amer […].\u00a0\u00bb<\/p><\/blockquote>\n N’est-ce pas pr\u00e9cis\u00e9ment la d\u00e9marche propos\u00e9e : rendre amusant un contenu r\u00e9barbatif pour que les \u00e9l\u00e8ves le re\u00e7oivent avec moins de r\u00e9pugnance ? La question qui se pose est alors de savoir o\u00f9 placer la limite : les acquisitions permises par le jeu sont-elles \u00e0 la mesure du temps pass\u00e9 \u00e0 jouer ? Le risque n’est pas mince en effet que le jeu ne soit un pr\u00e9texte \u00e0 d\u00e9layer les apprentissages, \u00e0 \u00e9luder<\/em> les vraies questions. En outre, le jeu, par sa facilit\u00e9, peut \u00eatre attrayant pour tous les \u00e9l\u00e8ves, m\u00eame ceux qui sont en difficult\u00e9 face aux apprentissages, mais n’y a-t-il pas un risque que ces \u00e9l\u00e8ves-l\u00e0, justement, demeurent \u00e0 sa superficie,\u00a0sans jamais percevoir les savoirs ou les messages qu’il est cens\u00e9 faire passer comme ce coll\u00e9gien qui expliquait que Scratch (utilis\u00e9 pour l’apprentissage de la programmation) est ‘une application pour faire bouger un chat’. Le r\u00f4le de l’enseignant est alors primordial pour aider les joueurs \u00e0 porter un regard r\u00e9flexif sur le jeu auquel ils viennent de s’adonner afin de les aider \u00e0 identifier selon les cas, les apprentissages r\u00e9alis\u00e9s, les comp\u00e9tences mises en \u0153uvre, les besoins identifi\u00e9s, les messages v\u00e9hicul\u00e9s, les valeurs sous-jacentes aux r\u00e8gles du jeu, les transferts ou les suites possibles<\/p>\n L’\u00e9cueil oppos\u00e9 existe aussi : \u00e0 force de vouloir \u00eatre s\u00fbr que l’\u00e9l\u00e8ve apprend, l’enseignant ne va-t-il pas faire perdre au jeu toute dimension ludique ? Le jeu s\u00e9rieux, \u00e0 force d’\u00eatre s\u00e9rieux, ne s’expose-t-il pas \u00e0 devenir un jeu s\u00e9v\u00e8re<\/em> (pour reprendre le titre d’un livre de Michael Maier, Jocus severus<\/em>, 1617) ? Est-il utile de citer tous ces jeux s\u00e9rieux qui n’ont de jeu que le nom et qui n’amusent que leurs cr\u00e9ateurs ? Certains \u00e9l\u00e8ves ne gagneraient-ils pas \u00e0 consacrer ce temps \u00e0 un travail plus \u00ab\u00a0scolaire\u00a0\u00bb ?<\/p>\n On peut aussi, sans utiliser v\u00e9ritablement un jeu, s’inspirer dans l’enseignement des m\u00e9canismes des jeux : retour imm\u00e9diat sur les actions, gratification, capitalisation de points, badges,valorisation de la d\u00e9marche par essai-erreur, reprise illimit\u00e9e d’un exercice jusqu’\u00e0 la r\u00e9ussite, r\u00f4le au sein d\u2019une \u00e9quipe… On entre alors dans ce qu’on appelle, au sens strict, la ludification (ou gamification). L\u00e0 encore, il faut se demander ce qu’on veut apprendre et si le moyen ne devient pas une fin en soi.<\/p>\n Ce proc\u00e9d\u00e9 est massivement utilis\u00e9 dans le marketing. Le designer Jesse Schell a cr\u00e9\u00e9 le blog Gamepocalypse now<\/a>\u00a0o\u00f9 il recensait des exemples de mise en \u0153uvre de ce syst\u00e8me. Certains cas sont seulement curieux ou ridicules, comme la brosse \u00e0 dents connect\u00e9e qui fait gagner des points quand on l’utilise, ou des jeux qui accordent des points aux habitants d’un logement quand ils font le m\u00e9nage, les mettant en concurrence pour que chacun participe. D’autres sont beaucoup plus inqui\u00e9tants. La derni\u00e8re publication sur le blog Gamepocalypse now<\/em><\/a> date de 2015 et est consacr\u00e9e au dispositif Sesame credit, mis en place en Chine. Jesse Schell estime que ce syst\u00e8me constitue l’av\u00e8nement de la Gamepocalypse qu’il annon\u00e7ait. Il s’agit en quelque sorte de ludifier la citoyennet\u00e9 : quand ils publient des informations sur les r\u00e9seaux sociaux en faveur du gouvernement ou quand ils font des achats de produits chinois, les participants gagnent des points ; en revanche, s’ils prennent des positions d\u00e9favorables ou ach\u00e8tent des produits venant de l’\u00e9tranger, ils en perdent. Le score ainsi obtenu permet de b\u00e9n\u00e9ficier d’avantages dans la vie quotidienne : facilit\u00e9 pour obtenir un pr\u00eat ou des documents administratifs, par exemple. Mais en ne voyant le jeu que comme un syst\u00e8me de r\u00e9compenses, ne passe-t-on pas \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de l’essentiel ? N’est-il pas vrai que, comme le dit Mathieu Triclot, une gamification ainsi con\u00e7ue, \u00ab\u00a0qui s’accompagne souvent d’un \u00e9loge du pouvoir des jeux et des joueurs, repose en r\u00e9alit\u00e9 sur un m\u00e9pris total du m\u00e9dium, r\u00e9duit \u00e0 des m\u00e9caniques pavloviennes\u00a0\u00bb (Philosophie des jeux vid\u00e9o<\/em>, 2011) ?<\/p>\n Ces exemples dystopiques sont \u00e9videmment extr\u00eames et ne concernent pas des applications p\u00e9dagogiques du jeu. Ils montrent toutefois qu\u2019au-del\u00e0 de cette utilisation comme un moyen d’apprentissage, ou un pr\u00e9texte, le jeu peut aussi \u00eatre abord\u00e9 comme un objet d’\u00e9tude, pour en faire un usage raisonn\u00e9 et savoir en tirer le meilleur parti.\u00a0Il est reconnu en effet que le jeu, en particulier certains jeux vid\u00e9os, permet le d\u00e9veloppement de la cr\u00e9ativit\u00e9, celui de diff\u00e9rentes comp\u00e9tences : lecture rapide d’informations dans un environnement instable, travail collaboratif etc. C’est ainsi que certains ont pu d\u00e9fendre l’id\u00e9e de d\u00e9velopper une ludolitt\u00e9ratie<\/em> (Ludoliteracy: defining understanding and supporting games education<\/a>).<\/p>\n D’ailleurs, la production de jeux vid\u00e9os est devenue une industrie culturelle qui n’est gu\u00e8re diff\u00e9rente du cin\u00e9ma (pour ne citer que deux blockbusters, le jeu Call of Duty: Modern Warfare 2<\/em>, sorti en 2009, a le m\u00eame budget que le film Harry Potter et le prince de sang m\u00eal\u00e9<\/em>, sorti la m\u00eame ann\u00e9e : 250 millions de dollars). D\u00e8s lors, pourquoi ne pas consid\u00e9rer le jeu comme une \u0153uvre artistique, qui poss\u00e8de son intrigue, son univers graphique, son vocabulaire, ses r\u00e9f\u00e9rences, au m\u00eame titre qu’un film ? Bien s\u00fbr, tous les jeux ne se pr\u00eatent pas \u00e0 une analyse tr\u00e8s approfondie, mais n’est-ce pas aussi le cas de certains films ? Est-ce que l’\u00e9cole n’a pas aussi pour mission de fournir des rep\u00e8res aux jeunes dans l’offre culturelle \u00e0 laquelle ils sont confront\u00e9s ? Et si le jeu vid\u00e9o poss\u00e8de ses propres codes, il utilise aussi des proc\u00e9d\u00e9s narratifs et stylistiques des arts plus commun\u00e9ment \u00e9tudi\u00e9s \u00e0 l’\u00e9cole.<\/p>\nJouer pour suivre en classe<\/h2>\n
Apprendre \u00e0 jouer<\/h2>\n