Le thème d’Eidos64 2017 : pourquoi rendre l’élève hacker de son apprentissage ?

Le texte classique sur la culture des hackers d’internet (comme ceux du Chevalier de Méré sont ceux sur l’Honnête homme du XVIIe siècle) est l’article d’Eric Raymond intitulé « How to become a hacker » (traduction française de Thomas Gil).

En guise de préambule, empruntons-lui un des ses avertissements, pour lever d’emblée toute ambiguïté :

Un autre groupe de personnes s’auto-proclament bruyamment des hackers, mais ils n’en sont pas. Ces personnes (principalement des adolescents de sexe masculin) trouvent amusant de s’introduire illégalement dans des ordinateurs ou de pirater le système téléphonique. Les vrais hackers appellent ces personnes des ‘crackers’ et ne veulent pas avoir affaire avec eux. Les vrais hackers pensent généralement que les crackers sont paresseux, irresponsables et pas très brillants. Ils font remarquer que compromettre la sécurité d’un système ne fait pas plus de vous un hacker que démarrer une voiture avec les fils électrique ne fait de vous un ingénieur automobile. Malheureusement, beaucoup de journalistes et d’auteurs ont été dupés et utilisent le mot ‘hacker’ pour désigner les crackers ; cela irrite les vrais hackers au plus haut point.
Voilà la différence de base : les hackers construisent des choses, les crackers les détruisent.
(Eric S. Raymond, « How to become a hacker », trad. BL)

Que ce point soit bien clair ! Quand nous proposons de faire de l’élève un hacker de son propre apprentissage, nous ne lui proposons pas (faut-il vraiment le préciser ?) de commettre des actes illégaux ou de se comporter comme un Mr Robot qui s’attacherait à détruire le système éducatif. Les hackers ne sont définitivement pas, malgré un usage désormais trop courant de ce mot, des pirates ou des activistes clandestins.

De quoi est-il question alors ? Continuons à citer Eric Raymond :

Il y a une communauté, une culture partagée, de programmeurs experts et de mages des réseaux dont l’histoire remonte à travers les décennies aux premiers mini-ordinateurs à temps partagé et aux plus anciennes expériences d’ARPAnet. Les membres de cette culture ont créé le terme de ‘hacker’. Les hackers ont construit Internet. Les hackers ont fait du système Unix ce qu’il est aujourd’hui. Les hackers font fonctionner le World Wide Web. […]

L’état d’esprit du hacker ne se limite pas à cette culture du hacker logiciel. Certaines personnes appliquent l’attitude du hacker à d’autres choses, comme l’électronique ou la musique – en fait, on peut en trouver dans les plus hauts niveaux de n’importe quelle science ou de n’importe quel art. Les hackers logiciels reconnaissent ces esprits familiers et peuvent les appeler des ‘hackers’ également – et certains prétendent même que la nature du hacker est en réalité indépendante du médium sur lequel il travaille.

(Eric Raymond, ibid.)

L’idée d’Eidos cette année est donc que les élèves développent une connaissance intime des processus par lesquels ils apprennent. Intime au sens d’approfondie, mais aussi au sens de vécue, personnelle, de première main. Que grâce à cette connaissance, ils puissent eux-mêmes bricoler, bidouiller leurs méthodes de travail pour les adapter à leurs propres idiosyncrasies.

Le psychologue John Flavell propose en 1976 de définir la métacognition comme « la connaissance que l’on a de ses propres processus cognitifs ». En d’autres termes, il s’agit d’envisager comment on apprend à apprendre. Cette affaire est centrale à l’école mais elle n’est pas toujours traitée de façon explicite avec les élèves.

Pourtant dans les années 90 on misait déjà sur l’éducabilité cognitive. Des outils florissaient pour aider à mieux penser, parmi eux les Ateliers de Raisonnement logique (ARL) inspirés par les travaux de Piaget ou le Programme d’Enrichissement Instrumental (PEI), créé par Feuerstein et qui visait à amener l’élève à développer lui-même son potentiel d’apprentissage.

Aujourd’hui, avec les progrès de l’imagerie médicale, on évoque la plasticité cérébrale et on assiste à une nouvelle éclosion de dispositifs et d’ouvrages pour aider les jeunes à comprendre comment mieux apprendre grâce aux progrès des neurosciences. De nouveau la métacognition est au centre d’enjeux pédagogiques… et commerciaux.

Mais si l’éducabilité cognitive et la plasticité cérébrale ne sauraient recouvrir la même réalité, elles ouvrent la même perspective optimiste d’évolution possible, de progrès à tout âge. Être en mesure de savoir apprendre tout au long de la vie, à l’école mais aussi en dehors de l’école, n’est-ce pas un formidable enjeu pour l’élève du XXIe siècle ?

Ainsi, la journée Eidos du 25 janvier proposera d’abord un tour d’horizon des avancées de la recherche en neurosciences dans ce qu’elles peuvent apporter à l’éducation. Eric Tardif, professeur à la Haute école pédagogique Vaud (Lausanne, Suisse), en profitera pour évoquer quelques croyances erronées sur le fonctionnement cérébral (ou neuromythes) souvent présentes chez les enseignants et les étudiants qui se destinent à l’enseignement. Il abordera en outre des études en psychologie cognitive, notamment en ce qui concerne les processus de la mémoire, qui pourraient apporter des pistes intéressantes pour l’école.

André Giordan, pour sa part, posera d’une façon générale la questions de ce qu’apprendre veut dire, à l’heure du numérique, quels sont les outils qui facilitent l’apprendre, ce que devient le métier d’élève et ce que les enseignants peuvent faire (ou ne pas faire) pour accompagner leurs élèves dans leurs apprentissages.

Author: cd64

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