Françoise Cros a été professeure des Universités en Sciences de l’Éducation à l’Université de Paris V, directrice adjointe de l’IUFM de Versailles, responsable de la Mission » Innovation et Recherche » à l’INRP et rédactrice en chef de la revue « Politiques d’éducation et de formation. Analyses et comparaisons internationales » (POLEF).
Membre du Comité national d’expertise de l’innovation pédagogique pour l’Enseignement agricole, Françoise Cros est actuellement professeure d’université honoraire en sciences de l’éducation au Conservatoire national des arts et métiers. Elle est spécialiste de l’innovation en éducation et en formation ainsi que des processus de changements des pratiques professionnelles et de leur évaluation. Elle a publié de très nombreux ouvrages (voir sur Cairn). Deux d’entre eux seront en vente lors d’Eidos.
L’innovation à l’école : entre injonction institutionnelle et nécessité pédagogique
Lors de la conférence, Françoise Cros envisagera l’innovation à l’école comme objet d’enjeux qui vont bien au-delà de ses propres qualités et auxquels l’apport du numérique dans la classe est un révélateur (innovation sociale ? innovation technique ? Innovation technologique ?). Elle montrera comment l’Institution gouvernementale française s’est adossée sur les innovations depuis 1960 pour tenter d’installer une « réforme douce ». L’exposé fera état des étapes de mise en œuvre de cette politique de pilotage des innovations de sa prise en compte officielle dans les années 1960 jusqu’à maintenant.
La suite de ce billet reprend des extraits d’un entretien entre Françoise Cros et François Jarraud publié en 2004 sur le site du Café pédagogique
Innover en éducation
« L’innovation est d’abord un changement conscient, voulu et intentionnel. Il est donc plus construit que toute action in situ. La nouveauté est ciblée pour l’innovateur et s’inscrit dans une volonté de faire mieux, d’améliorer ce qui est perçu comme insatisfaisant. L’innovation est donc différente en nature et en conscience par rapport à l’action quotidienne d’ajustement que peut faire tout enseignant dans sa classe. »
« C’est à partir du moment où l’enseignant ne trouve plus tolérable d’enseigner comme il faisait jusque-là. Il a comme une sorte d’impératif qui le conduit à innover. Autrement dit, c’est au niveau de l’enseignant même que vient l’innovation, quand son regard sur son métier l’interroge. »
Evaluer l’innovation
« En réalité, il existe plusieurs évaluations possibles d’une même innovation. Mais ce qui intéresse les gens, c’est de savoir si cette innovation a permis aux élèves de mieux apprendre. Mais la divergence apparaît sur la conception de cet apprentissage. La majorité des innovateurs se bat pour faire acquérir aux élèves des savoirs pertinents dans une société comme la nôtre. S’ils évaluent leurs innovations à l’aune des tests classiques « papier-crayon » qui ne prennent pas en compte les attitudes, les comportements, la créativité, toutes choses que prend en compte un innovateur, alors l’innovation sera considérée comme non valable. »
Diffuser l’innovation
Il faut « mettre en contact des personnes qui ont des problèmes ou qui s’interrogent sur tel ou tel point de la pratique, et des personnes qui ont tenté, en innovant, de surmonter des obstacles ou de trouver des solutions originales et créatives. C’est ce qu’on appelle la ‘mutualisation des pratiques’ ». Françoise Cros recense de nombreuses opportunités : « des conversations avec des collègues innovateurs, des lectures, des conférences, des rencontres de chercheurs, des analyses de pratiques avec d’autres, des colloques de mutualisation des savoirs, etc.»
Dans son dernier ouvrage Innovation et société : le cas de l’école (ISTE éditions, 2017), elle montre que les fiches de description des actions innovantes pré-établies par l’institution et renseignées par les équipes pour être ensuite mises à la disposition des personnes intéressées (comme dans la base Expérithèque pour l’Education Nationale) n’atteignent peut-être pas complètement leurs cibles et qu’une « narration avec des personnages avec leurs émotions, leurs ressentis, leurs réactions » serait plus efficace. La base Pollen pour le recensement des actions innovante dans l’Enseignement agricole a sans doute bénéficié de son apport, elle semble plus ouverte pour des témoignages moins formatés. Comme elle en rend compte dans son ouvrage, Françoise Cros constate que, d’après ses travaux de recherche « l’impact sur l’envie d’innover est plus fort [ainsi] qu’à la lecture d’une fiche plus administrativement cadrée ». Elle souligne pourtant qu’une écriture de type fictionnel « est souvent rejetée de part et d’autre comme ne relevant pas du caractère professionnel que tout enseignant doit avoir, y compris dans la restitution de son travail ». D’après elle, l’utilisation de ce type d’écriture pourrait relever de la formation continue des enseignants.
Déjà complets ou plus confidentiels, les soixante ateliers de partage de pratique proposés à Eidos sont une formidable occasion pour chacun de partager son « expérience pétrie d’émotions, d’aspirations, de joie, de colère, d’amour, de force et de respect » comme Françoise Cros nous y engage !